Rétention de la main-d’œuvre : des propositions concrètes sur la table
Alors que notre industrie est dans une période de rareté de main-d’œuvre, le ministre du Travail a confié à la CCQ un mandat important : celui de collaborer avec les associations syndicales et patronales afin que des solutions soient trouvées à la problématique de rétention des travailleurs et des travailleuses en chantier.
De là, le SQC et les autres syndicats se sont mis au travail pour développer un cahier de propositions d’actions concrètes qui visent essentiellement à retenir la main-d’œuvre en construction.
Le groupe syndical a identifié trois facteurs d’abandon prioritaires – le manque de formation, l’instabilité d’emploi et le climat de travail – lesquels lui ont servi à émettre ses recommandations.
Allons voir de quoi il en retourne.
Miser sur la formation
L’acquisition de compétences par la formation est assurément l’une des pierres angulaires de la rétention de la main-d’œuvre. Publiés en janvier 2021 par la CCQ, les résultats du sondage sur les abandons dans l’industrie de la construction démontrent que 40 % des non-diplômés quittent les chantiers après cinq ans. C’est près du double des diplômés. Certaines actions sont donc indispensables pour rendre les programmes d’études en formation professionnelle plus accessibles et plus attrayants : augmenter le nombre de places dans les écoles, créer de nouveaux incitatifs financiers et promouvoir plus efficacement les programmes auprès des conseillers en orientation et des intervenants en employabilité.
Il devient urgent de valoriser la formation initiale (DEP) des métiers et occupations de la construction et de donner la priorité d’emploi aux diplômés avant d’ouvrir les bassins. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas délivrer à ces finissants un certificat de compétence, sans garantie d’emploi de 150 h, pour une période de deux ans? Leur arrivée en chantier serait ainsi facilitée et garante d’un parcours plus prometteur.
Les ouvertures de bassins restent tout de même inévitables, lorsque les diplômés ne suffisent pas à la demande de main-d’œuvre. De plus, des voies alternatives, comme la reconnaissance d’heures, permettent d’accueillir en chantier de nouveaux travailleurs. Mais la formation continue demeure un cheval de bataille majeur. Les travailleurs non diplômés qui intègrent les chantiers devraient accéder à un plan de formation personnalisé pour mieux développer leurs compétences essentielles à leur métier ou occupation et pour les aider à rester plus actifs en chantier tout au long de l’année.
Viser la stabilité d’emploi
Un élément important dans le choix d’un emploi est certainement la stabilité. Et dans notre industrie, vous le savez, il n’y a pas de garantie. Cette précarité pousse alors la main-d’œuvre en construction vers des milieux professionnels plus permanents. Mais qu’est-ce qui pourrait changer cette réalité?
Une meilleure planification annuelle des travaux non seulement par les employeurs, mais aussi par notre gouvernement – principal donneur d’ouvrage – pourrait assurer plus de constance dans les heures travaillées en chantier. D’une part, en étalant les contrats sur une plus longue période, les employeurs offriraient à leurs salariés une bonne répartition des heures et, en conséquence, un revenu continu. D’autre part, en travaillant de concert avec tous ses ministères et organismes, le gouvernement serait en mesure de prévoir les besoins en main-d’œuvre et d’équilibrer l’offre de travail de manière plus adéquate.
Aussi, il faudrait tenir compte des compagnons dans le calcul menant à l’ouverture des bassins. Vous l’aurez compris, ce n’est pas le cas actuellement. Les travailleurs qualifiés devraient être valorisés davantage et œuvrer à leurs pleines capacités. C’est à eux que l’on doit donner la priorité d’emploi! En effet, l’industrie aurait tout intérêt à faire travailler continuellement sa main-d’œuvre compétente avant d’offrir du travail aux non-diplômés.
Toujours dans un même objectif de stabilité d’emploi, il devient impératif de redoubler d’efforts pour contrer les stratagèmes en lien avec le travail au noir. L’innovation serait tout indiquée pour agir contre les pratiques déloyales et décourager la non-conformité sur les chantiers. Et les fautifs devraient être sanctionnés rapidement. En prenant la chose plus au sérieux, les travailleurs honnêtes munis d’un certificat de compétence se sentiraient respectés et encouragés à poursuivre leur carrière en chantier.
Maintenir des chantiers sains et sécuritaires
Le climat de travail constitue sans aucun doute un paramètre d’une importance capitale dans le maintien de la main-d’œuvre en chantier. Les employeurs pourraient clairement se pencher plus activement sur la prévention du harcèlement. Ils ont à ce sujet une grande responsabilité, et un changement de culture s’impose. L’accueil et l’intégration des nouveaux employés ainsi que la gestion de ceux aux comportements intimidants devraient être pris en charge rapidement par des cadres soutenus par la haute direction des entreprises. Trop souvent, les compagnons se voient remettre des responsabilités qui appartiennent aux employeurs.
En ce qui a trait à l’accueil et à l’intégration de nouveaux travailleurs, les associations syndicales ne demandent qu’à s’y investir davantage. Comment? En étant informées plus vite par la CCQ lorsqu’une nouvelle personne exprime son choix d’allégeance. Ainsi, dès les premiers jours, un accompagnement personnalisé pourrait être fait auprès des travailleurs afin de leur offrir un premier bon contact avec notre industrie. À l’heure actuelle, les syndicats sont avisés des semaines, voire des mois suivant l’arrivée d’un travailleur dans l’industrie, ce qui ne permet assurément pas une intégration rassurante de qualité. Qui plus est, les syndicats devraient être prévenus des nouvelles embauches et des mises à pied afin d’être en mesure de suivre rigoureusement les travailleurs dans leur parcours.
La santé et la sécurité sur les chantiers de construction sont aussi fondamentales pour retenir la main-d’œuvre. Des efforts de taille devraient être déployés par tous les acteurs du milieu, spécialement par les employeurs, afin d’inculquer sur les lieux de travail une culture de santé et de sécurité qui rendrait notre industrie beaucoup plus attrayante.
Poursuivre activement ce dossier
En juin dernier, le groupe de travail syndical a déposé à la CCQ et aux associations patronales un document détaillé contenant ses propositions puis a réitéré, en août, son entière collaboration et sa volonté de passer à l’action dans les meilleurs délais. Les actions proposées impliquent différents acteurs de l’industrie, à savoir la CCQ, les donneurs d’ouvrage, dont le gouvernement, les associations patronales et syndicales. Tous doivent mettre l’épaule à la roue pour arriver, ensemble, à des résultats favorables en matière de rétention de la main-d’œuvre sur nos chantiers.