Loi spéciale de 2017 déclarée invalide et inconstitutionnelle : ce que ça signifie pour les travailleurs et les travailleuses de la construction
En décembre dernier, la Cour supérieure du Québec a rendu publique sa décision sur la loi spéciale de 2017 qui a mis fin à la grève illimitée des travailleurs et des travailleuses de la construction. Le juge Frédéric Pérodeau a déclaré cette loi invalide et inconstitutionnelle.
Les travailleurs et les travailleuses de la construction, représentés par l’Alliance syndicale, ont donc obtenu gain de cause. Voici notre analyse.
RETOUR AUX NÉGOCIATIONS DE 2017
En 2017, alors que les négociations étaient au point mort, les travailleurs et les travailleuses de la construction ont été contraints de recourir à leur droit de grève illimitée pour réclamer de meilleures conditions de travail et de salaire.
Cependant, la ministre du Travail de l’époque, Dominique Vien, a choisi d’ignorer leurs revendications légitimes et de les priver de leur moyen de pression ultime en imposant leur retour au travail par le biais d’une loi spéciale.
Face à cette atteinte flagrante aux droits fondamentaux des travailleurs et des travailleuses de la construction, l’Alliance syndicale a contesté cette loi devant la Cour supérieure du Québec.
DÉTAILS DE LA DÉCISION
Cette décision de la Cour supérieure du Québec est une bonne nouvelle. Le juge Frédéric Pérodeau nous a en effet donné raison! La ministre du Travail de l’époque, Dominique Vien, a nettement bafoué les droits des travailleurs et des travailleuses de la construction avec cette loi spéciale qui a été déclarée invalide et inconstitutionnelle, car elle porte atteinte à la liberté d’association, un droit reconnu par la Charte canadienne des droits et libertés et par la Charte des droits et libertés de la personne.
Le jugement précise en plus que l’arbitrage proposé par la loi spéciale en compensation de la grève n’était pas suffisant pour justifier la violation des droits fondamentaux des 170 000 travailleurs et travailleuses représentés par l’Alliance syndicale. Le retour forcé au travail en chantier était donc abusif.
À notre demande, le juge Pérodeau a également commenté deux particularités de la Loi R-20, soit l’absence de dispositions anti-briseurs de grève et l’impossibilité de négocier des clauses de rétroactivité.
- Il a déclaré que c’est au gouvernement de régler la question de l’absence de dispositions anti-briseurs de grève.
- S’il n’a pas remis le sujet de la rétroactivité entre les mains du gouvernement, le juge a souligné que des compensations peuvent être négociées avec les associations patronales, si celles-ci sont disposées à en discuter. Il observe cependant que ça ne semble pas avoir été le cas dans le passé.
LA POSITION DU SQC
Pour nous, la déclaration d’inconstitutionnalité de la loi spéciale de 2017 envoie un message clair aux futurs ministres du Travail qui pourraient être tentés d’intervenir dans un prochain conflit de travail dans la construction. Ne perdons pas de vue que l’industrie de la construction est un domaine privé et qu’il n’appartient pas au gouvernement de s’y immiscer.
De plus, nous croyons fermement que des adaptations à la Loi R-20 s’imposent pour limiter les conflits de travail, assurer la paix sociale lors des renouvellements des conventions collectives et, par-dessus tout, équilibrer une fois pour toutes le rapport de force entre les parties.
En effet, l’impossibilité d’avoir recours à des dispositions anti-briseurs de grève et de négocier des clauses de rétroactivité place les travailleurs et les travailleuses dans une position démesurément vulnérable. Pensons seulement aux négociations antérieures qui se sont souvent éternisées parce que la partie patronale a, selon nous, clairement cherché à retarder l’entrée en vigueur des augmentations de salaire. S’ajoute à cela le recours à une loi spéciale forçant le retour au travail, comme nous l’avons vu non seulement en 2017, mais aussi en 2013 et dans les années 90.
De toute évidence, la Loi, dans sa forme actuelle, provoque un net déséquilibre du rapport de force en contexte de négociation.
DES SIGNES D’OUVERTURE POUR L’AVENIR
Quelques indices permettent d’envisager une tournure positive pour la suite des choses. D’abord, le gouvernement ne fera pas appel du jugement. De plus, le présent ministre du Travail, Jean Boulet, prévoit une modernisation imminente de la Loi R-20.
Alors que des négociations débuteront à l’automne 2024, nous sommes prêts et motivés à réitérer nos revendications historiques. Nous porterons également la réflexion sur la possibilité d’intégrer à la Loi-R-20 des moyens de pression autres que la grève générale illimitée, comme les grèves tournantes.
Vous voulez vous impliquer et soumettre vos revendications en vue des travaux sur la Loi R-20? Contactez un représentant!